Emission radio. Live les Dimanches de 20h à 22h sur le 95 fm (RQC- radio locale Mouscron-Kortrijk- Lille Métropole).

En écoute ici en streaming.

Pataugeage dans toutes les mares ! (Rock, Electro, Jazz, Hip-Hop, leurs dérivés connus, inconnus ou oubliés)

Tous les Canards vont à la Mare est une réalisation produite par Animation Média Picardie.

co : touslescanards@gmail.com

samedi 31 décembre 2011

Top Albums 2011 selon Eric'n'Eric



Goeie dag
On la clôture cette année 2011, qui a apportées ses traditionnelles surprises. La Belgique a eu un gouvernement le jour de la Saint-Nicolas, mettant un terme à 541 jours de non-respect du contrat de vote.  Maître Capello a soufflé son dernier bon mot,  le traditionnel séisme du début d’année nous a rappelé que nous nous rapprochons tous les jours un peu plus du trou noir. Les psychopathes ont dévastés des familles comme à la télé… ça tombe bien, on cherche toujours des scénars à Hell-ywood.  Steve a perdu son job, et ça tombe bien, c’est la crise on a plus d’e-thunes.
Bref (putain, mais quelle connerie ce truc) ; il est temps de vous en remettre une louche dans les esgourdes de ces skeuds qui sont fort fort biens, ma foi !
On commence par un trio de tête…  tous number one parce que c’est vachement dur à départager  (et puis, est-ce bien utile !)



*Otto – Starter Toaster (ottoproduction)


Clairement, la grosse tarte dans ma tronche, cette année. M’en suis toujours pas remis.  Mini-banquet sur une aire d’autoroute, un dimanche de mars, la nuit qui convie Jeffrey Lee Pierce, Blixa Bargeld, Arthur Brown et Gavin Friday ça ne se refuse pas !


*Revok – Grief is my new moniker (Music Fear Satan/Rejuvenation/ Denovali)


 On a l'occasion de suivre Revok depuis quelques années. Sur scène, il se passe physiquement quelque chose à chaque fois, on le sent, oui notre corps change (et ce n'est pas sale !). Sur disque, ils retrouvent cette détermination maligne qu'ils avaient un peu laissé de côté sur l'opus précédent, la bête est libérée, Gloire à Revok !


*Berline 0.33 – Planned Obsolescence (Katatak - Rejuvenation- Tandori)



Mais merde, c’est difficile à écrire obsolescence, on a toujours peur de mal mettre les « s » et les « c ».
Et il a fallu le lire et l’écrire un fameux paquet de fois en 2011, ils sont partout les Berline et c’est amplement mérité ! Classe Post-punk à l’état pur.



Après ce trio d’Uno ! J’en ai quelques autres, j’vous les mets aussi ma ptit dame, n’ayez crainte, mon bon Monsieur.



*Les Enfants Sales – V.I.T.R.I.O.L  (Autoproduction)


La collaboration de la stakhanoviste Madame B avec son mari Chris Zéro pour une plongée dans le folk sombre le plus cru, le plus acide, les machines tues mais aux aguets. Grande Œuvre Noire d’une rare et intense vitalité. Les fantômes de Coil errent sur les travées de David Eugène Edwards. Somptueux.


*Peter Kernel – White death/Black Heart (Africantape)


Tous vos héros d’il y’a vingt ans se retrouvent dans ces compositions accrocheuses, habitées. Pour peu que vos oreilles aient été titillées par l’un ou l’autre album de Sonic Youth, des Pixies et de PJ Harvey vous ne pouvez pas passer à côté de cette somptueuse plaque.


*Headwax – S/T (Autoproduction)


Les toulousains de Headwax , oui encore Toulouse (Hugger Face et Selenites ont fait aussi très fort cette année) sont de grand nostalgiques, tout baignés des glorieuses ninenties hexagonales. Mes collègues feront un inventaire des influences, ici on s’en fiche cette première plaque, un peu bancale parfois est juste addictive.


*Mechanism for People – Never reach for the stars (Les Disques Normal)




Cet album nécessite plusieurs écoutes attentives pour en faire le tour. En filigrane, c’est bien une forme de célébration à l’Amour qui transpire, l’amour par l’acte (les dérapages soniques) et l’admiration réciproque savamment entretenue. Un beau disque de Soul froide tendue pour toucher les étoiles.


*Jacques Duvall – Expert en désespoir(Freaksville)



Auteur vénéré par toute une frange de faiseurs de pop à la française, en Belgique, le parolier préféré de Lio a bien des cordes à son arc, dont une mauvaise foi immanente lorsqu’il cause de foot (un vrai connaisseur). Ce 7iè album, comme les pêchés est l’un des plus capiteux et des plus réussis.


*Hawks – Rub (Army of bad luck)


Oxbow et Unsane sont à la fête au détour de cet implacable Rub. Hawks, nous vient d'Atlanta, c'est leur deuxième plaque. Oui, ça sent le revival à plein nez, mais c'est diaboliquement bien fait et Michaël P. Keenan est probablement le chanteur-brailleur de l'année.


*Cheater Slicks – Our food is chaos (Almost ready)


Le grand retour des gar-orageux bostoniens pour une nouvelle plaque séminale qui sent toujours autant le bourbon, la sueur et le cambouis.  Comme ils ne font rien comme les autres, ils sont descendus à la mine pour ressortir ces missiles initialement goupillés en 1989. Jouissif.
 Mine de rien, 25 ans que ça dure.


*Beastie Boys – Hot Sauce committee Part II (Capitol Records)


En 2011, les Beastie Boys ne révolutionnent plus le genre qu’ils ont largement alimenté. Ils produisent (pour la seconde fois, seuls), un disque costaud. Bien malins, ceux qui vont tenter de le classer entre l’une ou l’autre des œuvres antérieures, entre pas assez cela et trop ceci. A 45, 46, et 47 ans les gamins ont toujours la joie du sale gamin qui vient de faire une bêtise, les joues rougeoyantes, le rire aux lèvres devant le désordre qu’il vient de commettre.


*Serge Gainsbourg – L’étonnant Serge Gainsbourg  (Phillips – 1961)


Ben oui, on a pris le temps un an de visiter le répertoire de Monsieur Serge,  forcément…  L’étonnant Serge Gainsbourg  est son troisième album, il sort en 1961. On y retrouve « La Chanson de Prévert », et surtout son goût immodéré pour les mots. Ça jazze sévère sous l’impulsion d’Alain Goraguer  (son producteur de l'époque, pas en reste en ce qui concerne l’oreille sûre). Chaque titre est écrit en mode mineur – genre je-ne-vous-dérangerais-pas-plus-longtemps- .  « En relisant ta lettre » compte au moins 2 minutes de fous-rires.


Top album 2011 par Eric 'N'Eric  (Ukhan Kizmiaz in other sites)


















Les 10 meilleurs albums 2011 selon Mot'

Ceci n'est pas un classement, seulement une sélection!

1 The Chapman Family - Burn Your Town




2 Dengue Fever - Cannibal Courtship





3 Zola Jesus - Conatus






4 The Soft Moon - Total Decay






5 Enablers - Blown Realms & Stalled Explosions





6 Dirty Beaches & Ela Orleans - Double Feature






7 Chris Connelly - Artificial Madness






8 Tradi-Mods vs Rockers - Alternative Takes on Congotronics






9 Explosions in the Sky - Take Care, Take Care, Take Care





10 Mogwai - Hardcore Will Never Die But You Will









samedi 24 décembre 2011

Album de la semaine : Dengue Fever - Cannibal Courtship


Dengue Fever - Cannibal Courtship


Interview de Dengue Fever

Qu’écoutiez-vous avant le rock Cambodgien ? Zak Holtzman : Avant Dengue Fever, je jouais dans un groupe Dieselhed (une sorte de country punk, responsable de 4 albums), nous sommes mêmes venus en France en première partie de Cake. J’ai joué avec eux pendant longtemps. Mon frère Ethan a également joué dans plusieurs groupes, il joue de la guitare et de l’accordéon. Nous avons grandi ensemble et ça a commencé par des messages sur notre répondeur téléphonique. Ce sont nos premiers délires musicaux je dirais, des petites chansons, mises en scène, enfin on essayait diverses choses. Sinon, je me souviens qu’on chantait des vieux airs folk avec mon père dans la cuisine aussi, en famille. On a grandi en écoutant les disques de Devo, le Clashl’album Combat Rock a été extrêmement important.

C’est l’album avec la chanson Rock The Casbah ! Oui mais j’en appréciais toutes les chansons, vraiment, il y avait Know Your RightsStraight To HellShould I Stay Or Should I Go et Overpowered By Funk qui m’a initié au funk.

Avez-vous grandi à Los Angeles ? Oui.

Et le premier concert que vous êtes allée voir ? Je suis sûr que je suis allé à des concerts avec mes parents mais il faudrait que je leur demande s’ils se souviennent des noms des groupes, sinon, tout seul ou plutôt avec mon frère, la première fois c’était un festival punk au Troubadour. J’étais allé voir les Grim, ils n’ont pas fait carrière, mais ils sont restés comme le premier groupe que je suis allé voir.
Vous avez grandi avec le punk rock et aujourd’hui vous craquez sur l’exotique, il y a comme une logique là-dedans. Le punk, il fallait que ce soit agressif, rentre-dedans, c’était donc un esprit, une manière de penser que je recherchais. Ensuite, cela a été le rock garage, la musique surf, le psyché et le rock cambodgien, c’est une évolution qui obéit peut-être à une certaine logique effectivement. Je n’étais pas assez sérieux, pas assez impliqué pour rentrer complètement dans le punk rock, la preuve je me suis laissé la barbe très tôt…

Il y a aussi cette idée du "fait maison" que l’on s’échangeait à l’époque punk, c’est un peu le même esprit qui anime les chercheurs de nouvelles sensations. Il est vrai que j’aurais pu tomber sur des veilles cassettes de musique africaine au lieu de cassettes cambodgiennes, mais ça ne s’est pas passé comme ça. Ethan est tombé sur des vielles cassettes cambodgiennes et nous avons craqué dessus, nous avons commencé à reprendre les morceaux que l’on entendait, il ne manquait plus qu’une chanteuse. Nous avons eu la chance de tomber sur Chhom Nimol. Ta question est drôle car je n’ai jamais envisagé notre histoire de cette manière, il y a le hasard, bien sûr, mais aussi je dois avouer qu’avec Ethan nous sommes réellement devenus fous de cette musique. Assez pour fonder un vrai groupe, il n’était pour nous plus question de répétitions entre amis, nous devions le faire pour de bon. La musique cambodgienne, c’était un point de départ pour nous, aujourd’hui nous jouons nos propres morceaux, ce ne sont plus que des reprises. Il est vrai que Nimol parle un peu mieux anglais aujourd’hui, ce qui facilite les choses.

Vous avez déjà joué en France, aux Transmusicales l’année dernière, à quand la tournée ? Pour bientôt j’espère, nous sommes programmés au festival de Glastonbury (le 24 juin en Angleterre) et aussi au festival Meltdown (le 6 juin toujours en Angleterre), Ray Davies nous y a invités, c’est l’un de nos supporters les plus fervents. Nous avons des amis en France, mais cela semble un peu plus compliqué que prévu.

Que pouvez-vous me dire à propos de cette incroyable et horrible histoire comme quoi les Khmers rouges assassinaient tous les musiciens. Les Khmers rouges ont tué presque tous les musiciens qui jouaient ce genre de musique, que ce soit de la pop ou du rock. En fait, ils tuaient tous ceux qui avaient un quelconque pouvoir, une quelconque influence, que ce soit parce qu’ils possédaient de l’argent, ou tout simplement parce qu’ils étaient éduqués et pouvaient menacer le pouvoir en place. Les amateurs de rock étranger étaient tués directement. Le rock western, qui n’était donc pas traditionnel, était l’un des pires motifs aux yeux des Khmers rouges.

Vous êtes allés tourner au Cambodge en 2005, que pouvez-vous me dire sur cette tournée ? Nous avons réalisé un documentaire Sleepwalking Through The Mekong, nous voulions saisir la réaction des cambodgiens à notre musique, qui en fait leur appartient. On y découvre également la famille de Nimol qu’elle n’avait pas vue depuis plusieurs années. Tout s’est très bien passé, nous avons souvent joué devant plusieurs centaines de personnes, le plus souvent ils devenaient fous en s’apercevant que c’était des blancs, des Américains qui leur jouaient leur propre musique. Ils n’en revenaient pas, mais sinon, le public est en général plus réservé que chez nous, par habitude sans doute.

Est-ce le public reconnaissait les reprises que vous faisiez ? Oui car les Khmers rouges n’ont pu empêcher les gens de les dupliquer en cachette, et beaucoup de chansons appartiennent à la mémoire collective. Ce n’est pas non plus une culture totalement effacée, et puis ce n’est pas si lointain, une quarantaine d’années, c’est une génération.

Et aujourd’hui le rock au Cambodge est-il toujours interdit ? Non, il y a quelques groupes locaux. Nous avons même joué à l’ambassade pour célébrer les soixante ans de l’amitié Américo-Cambodgienne, donc jouer du rock n’a plus rien de subversif. Aussi les Khmers rouges ont été jugés pour leurs crimes.

Quelle est la plus belle histoire de cet album ? 
Sans doute celle d
e la chanson Sister In The Radio qui raconte l’histoire de la grande sœur de Nimol, Chhom Chârvinn (également chanteuse) qui a dû s’enfuir en Thaïlande, toujours à cause des Khmers rouges. La mère de Nimol ne savait pas si sa fille était toujours vivante, jusqu’au jour où elle l’entende chanter à la radio. Elle pleurait de joie…



Line Up:
Chhom Nimol
Zac Holtzman
Ethan Holtzman
Senon Williams
David Ralicke
Paul Smith

Label :
Real World

Tracklist :
  1. Cannibal Courtship
  2. Cement Slippers
  3. Uku
  4. Family Business
  5. Only a Friend
  6. Sister in the Radio
  7. 2010 (Bury Our Heads)
  8. Kiss of the Bufo Alvarius
  9. Thank You Goodbye
  10. Mr. Bubbles
  11. Durian Dowry


dimanche 11 décembre 2011

Archive de la Semaine : Massive Attack - Blue Lines (1991)



  En 1991,  nous sommes en pleine guerre du Golfe. Dans la première offensive, dans les années quatre-vingt, c'est l'inimitié (un euphémisme) Iran -Irak qui a trôné sur le devant de la scène internationale.

Au début des années quatre-vingt-dix, c'est le pétrole, l'avoir et les richesses d'une terre qui va réunir un consortium de 36 états pour lutter contre l'appétit vorace de Saddam Hussein.  Qui mange qui ?

L'Irak est très affaibli, il a une dette de 15 milliards de dollars envers le Koweit, un jeune état créé de toutes pièces en 1961. Le "petit poucet" bouche une voie royale sur le Golfe Persique. Hussein aimerait faire sauter le bouchon pour pouvoir déverser plus abondamment le pétrole de ses terres et renflouer les caisses...

Le reste... l'Histoire...




En plein conflit armé international, proposer une relecture organique de la Soul Music, lorsque l'on est une bande de gamins habitués au Soundsystem ou New Order côtoie Bob Marley pose question ! Et le faire sous le patronyme de Massive Attack frise l'indécence, non ?

Premier album pour le combo de Bristol, premier sur cinq (en 20 ans). Produit par le mari de Neneh Cherry, où Tricky trouve encore sa place.

Nous allons découvrir, l'émotion vive d'Horace Andy, une voix lumineuse reconnaissable entre toutes, on s'évade avec Sarah Nelson, le temps d'un "Unfinished Sympathy".

Aucun album du groupe ne ressemblera à celui- là, Protection accusant un surplus pondéral de sophistication, Mezzanine étant  leur sommet intouchable, 100Th Window, une mauvaise chute et Heligoland toujours en quête de bonification...

Tracklist  : Safe From harm - One Love - Blue Lines - Be thankful for what you've got - Five man army - Unfinished Sympathy - Daydreaming -Lately - Hymn of the Big Wheel

samedi 10 décembre 2011

Album de la semaine : Enablers - Blown Realms & Stalled Explosions


Enablers - Blown Realms & Stalled Explosions


Interview d'Enablers

Enablers est un groupe “tardif”. Vous veniez d’où musicalement parlant ?
Kevin : Mon premier “vrai” groupe était Nice Strong Arm avec lequel nous avons sorti trois LP sur Homestead Records entre 1986 et 89. On pourrait dire que c’était un trio pré-post-rock. Je jouais de la guitare et je chantais. Mon groupe suivant, Timco, était un peu plus mélodique (Basura Records, www.myspace.com/timco). Entre les deux, j’ai eu un projet avec Joe Goldring, Morning Champ.
Pete : J’étais un batteur plutôt mauvais. J’avais joué dans un groupe de punk, Shotwell, pendant deux ans. J’avais commencé avec eux en tant que projectionniste. Avec mon ami Jim, le frontman du groupe, on passait des nuits à coller les bouts de pellicule 16mm qu’il trouvait dans les poubelles domestiques. J’ai fait deux ou trois tournées avec eux comme ça, avec mon projo, à diffuser nos collages. Ils étaient souvent sans batteur alors j’ai accepté de jouer autour d’un feu de joie, face au Cyclone Warhouse (Ndlr : salle/galerie de SF) en 1996. Le reste de l’histoire est une charade et tout ce qu’il y a eu avant 96 est une série de souvenirs flous et sans groupes.
Joe G. : Quand tu dis « background », tu parles d’éducation musicale ? Et bien, je n’en ai pas. Je me suis fait jeter de mes cours de musique et j’ai passé le reste de mon enfance à en écouter et à en jouer. Ce n’est que lorsque j’ai déménagé à San Francisco que j’ai rencontré des musiciens qui m’ont inspiré. Tim Mooney de Negative Trend et Toiling Midgets, Vudi de American Music Club et bien sûr Kevin. Jouer avec eux m’a vraiment ouvert à toutes sortes de musiques à côté desquelles j’étais passé en grandissant. Avant cela, tout ce que j’écoutais venait de mes proches et de John Peel, ce qui n’était déjà pas si mal. Parmi tous les groupes dont j’ai fait parti, il y a les Toiling Midgets, les Swans, Morning Champs, Clodhopper, etc. J’ai également enregistré et tourné pour Tarnation, Mix Master Mike, Hope Sandoval, Men Of Porn et HiM. J’ai aussi collaboré à deux reprises avec Dough Scharin (Ndlr : batteur de June Of 44, HiM) sous le nom de Out Of Worship.

Joe, ces innombrables contributions en tant que musicien permanent ou occasionnel ont-elles modelé ou modifié ta vision de ce qu’est ou ce que doit-être un groupe ?
Joe G. : J’ai eu beaucoup de chance de jouer avec tous ces musiciens incroyables. J’ai essayé de retenir le maximum de choses de ces expériences. Je ne sais pas si ça a foncièrement changé ma conception de ce que doit être un groupe mais ça a certainement renforcé ma compréhension des dynamiques au sein du groupe.

Même question sur ton travail en tant que producteur.
Joe G. : Mon travail de producteur enrichie et influence mon travail de musicien, et vice-versa.

John Peel a dit à propos de la musique de The Fall « Toujours différente, toujours la même ». Je serais d’avis d’appliquer la formule à Enablers. Vous en dites quoi ?
Pete : Ça colle plutôt bien.
Kevin : Écouter plus attentivement : voilà l’enseignement à retenir de la phrase de Monsieur Peel.
Joe G. : Je pense que c’est excellent d’être cité dans la même phrase que John Peel et The Fall.

Vous avez un truc pour arriver à lier de manière si étroite la dynamique des morceaux aux poèmes de Pete ? Qu’est-ce qui vient en premier ?
Kevin : La poule et l’œuf.
Pete : On ne procède pas différemment des autres groupes. Ce sont les circonstances qui déterminent la manière dont une ligne ou une phrase seront ponctuées. Ce qui nous demande le plus de travail, ce sont les éléments comme la tension, les conflits et les contradictions entre la voix et la musique. Savoir ce qui vient en premier – la musique ou le poème – n’est pas un vrai problème. On a toujours une base à développer et on fonctionne le plus naturellement possible, ce qui implique parfois de modifier les idées musicales ou les mots.
Joe G. : Nous amenons des morceaux ou des riffs. Pete décide s’il a quelque-chose qui pourrait coller avec l’humeur de la musique. Ensuite, nous commençons à travailler la musique autour de l’histoire, comme si nous voulions la ponctuer.

On compare souvent Enablers à certains groupes issus de la scène post-rock des années 90, Slint, Codeine et bien sûr June Of 44. Vous vous sentez liés à une scène ? Quand on vous demande de décrire le groupe, que répondez-vous ?
Kevin : Je dis que je joue un rock and roll obscure, beau et tapageur déclamé par un poète.
Pete : Ça dépend à qui je m’adresse. Par exemple, je travaille dans un bar qui n’est fréquenté par aucun indie-rocker ou jeune hipster urbain, et d’un côté, c’est un soulagement. C’est aussi un bar où on passe beaucoup de musique – surtout du jazz et du R&B. Quand on me questionne sur la musique que je fais, je réponds presque toujours « bizarre ». C’est ma manière de réagir – même si Enablers doit beaucoup au jazz et au blues. S’ils sont curieux, ils voudront en savoir plus et je leur dirai à peu près la même chose que Kevin. Les rares personnes « au fait » – de même sensibilité – iront sur myspace en rentrant chez eux et reviendront en nous comparant à Slint, June Of 44, etc. Puis ils emploieront le terme « bizarre », ce que je prendrai comme un compliment.
Joe G. : Je ne vois pas cela en termes de scène. J’ai travaillé avec certains de ces groupes et musiciens et plusieurs d’entre eux sont de bons amis. On est de la même génération. Je suis sûr que nous avons grandi en écoutant le même genre de musique. Je ferai de mon mieux pour ne pas tenter de décrire ma propre musique.

Pete, tes textes sont partout associés à la littérature Beat de San Franciso, Ginsberg, Burroughs, Kerouac… Tu te sens redevable de ces écrivains ?
Pete : J’ai grandi en lisant les Beats et la plupart de mes premières tentatives d’écriture, avec le recul, étaient certainement influencées par eux. Sur End Note, il y a certains poèmes que j’avais ébauchés alors qu’Enablers n’en était même pas encore au stade de l’idée, à une époque où je cherchais encore mon style et ma voix. Quand un jeune écrivain se retrouve dans cette situation, il va avoir tendance à s’en remettre à des choses qui l’influencent mais qu’il ne maîtrise pas forcément. C’est un penchant naturel et quiconque s’est essayé à l’écriture a vécu ça d’une manière ou d’une autre. En ce qui me concerne, j’étais clairement sous l’influence des Beats sans m’en apercevoir Je pensais que j’avais évolué au-delà d’eux alors que ça n’était pas vraiment le cas. Pour faire court, si ce que j’ai écrit dans ma jeunesse jusqu’à mes 25 ans est considéré comme « Beat », alors soit, je n’y peux rien. Ils ont changé le jeune homme que j’étais, ils m’ont appris à penser pour moi et plus important, comment m’exprimer à travers ce que j’écris. Mais je ne pense plus en ces termes. Aujourd’hui, je vois l’écriture comme la démarche artistique de toute une vie. Je ne crois pas être un écrivain Beat. Je crois être, en quelque sorte, une extension de cet héritage, dont je suis d’ailleurs reconnaissant. Mais je ne les lis plus. Je ne vais plus piocher dans Les Souterrains (Ndlr : roman de Kerouac, 1958) ou relire « Bombe » (Ndlr : poème « concret » de Corso) comme je le faisais à 15, 16 ou 17 ans. Je ne suis pas en train de dire que je n’ai aucun respect pour ce qu’ils ont apporté à la Littérature, pas du tout. Il m’arrive d’ailleurs encore de relire certains des livres que j’aimais enfant. Mais en tant qu’écrivain, je crois avoir grandi. Je crois avoir acquis plus de profondeur et d’expérience, deux attributs qui vont à l’encontre de la marque déposée « Simonelli : poète Beat ». Franchement, les propos de ce genre sont uniquement le fruit de la paresse des journalistes et une insulte à la musique de Kevin, Joe G. et Joe B. Et je n’ai jamais été aussi furieux que la fois où on m’a traité d’écrivain « Beat », parce que je réalisais alors que les journalistes, les chroniqueurs et leurs éditeurs avaient besoin de quelque chose à se mettre sous la dent. Ils entendent de la musique avec un type qui récite de la poésie : quelle que soit cette musique, ils en concluront que l’écrivain est « Beat » et que la musique est là uniquement pour servir de bande-son à la déchéance des poivrots et des losers et je crois sincèrement que la musique d’Enablers ainsi que ma contribution en tant qu’écrivain et membre du groupe – exigent bien plus de bienveillance et de droiture que tout ça. D’autant plus que beaucoup de gens négligent l’humour et l’humanité dans notre musique. L’Art est un divertissement!

Pour moi, tes textes ont quelque chose d’impressionniste dans le sens où tu laisses une grande part aux atmosphères et à la suggestion, avec des scènes de la vie quotidienne racontées par bribes, par séquences… Dans quoi puises-tu la matière première ?
Pete : Probablement là où tu trouves toi-même l’inspiration pour tes questions. Les impressions viennent des questions. Je me fiche d’expliquer ce qui m’inspires. Ne le prend pas mal, mais je m’en fous vraiment. C’est étouffant et ça ne sert à rien. Il n’y a pas de stimulus particulier. Il y a des poèmes « urbains » ; il y a eu des poèmes « ciel » ; et il y en aura certainement beaucoup d’autres. Mais ce que je pourrais dire à propos d’un poème est probablement très différent de toi ou n’importe qui d’autre en dirait. Tout est là. Tout artiste abandonne au monde une part de lui-même ; c’est cet acte-même qui est une vertu, avec une signification en soi et pour soi.

Comment as-tu développé cette scansion particulière, cette forme de spoken-word ?
Pete : Un vieil ami à moi, un poète du nom de Jack Hayes – qui est d’ailleurs le Jack de « For Jack : A Philippic » (Ndlr : sur Output Negative Space) – m’a dit un jour que lorsque tu récites un poème ou une histoire en public, tu dois t’adresser, non pas aux gens dans la salle, mais à un ami imaginaire assis dans le mur, quelque-part au-dessous du plafond, tout au fond de la pièce. Avec un micro dans un endroit isolé, cette méthode change néanmoins quelque peu. Mais si je dois chanter fort et distinctement, avec ou sans micro, je me remémore toujours cette phrase – que ce soit lors d’un concert, d’une lecture ou d’un enregistrement. Si le morceau requiert une élocution calme et posée, j’essaye de me représenter une conversation que je pourrais avoir avec quelqu’un qui m’est cher. Les poèmes « calmes » ou « feutrés » sont généralement des extensions de conversations réelles que j’ai eues. J’essaye donc de donner à mes inflexions le plus de naturel possible. Franchement, c’est quelque-chose que j’apprends encore.

Dans une interview récente, Eugène d’Oxbow nous disait que 12 années s’étaient écoulées avant que les Américains commencent à entendre parler d’eux et à prêter attention à leur musique. Est-ce que cette phrase fait écho à votre propre relation avec les États-Unis ?
Pete : Oui, je trouve ça très juste.
Kevin : Pour être honnête, on laisse volontairement les États-Unis en dehors de ce qu’on fait.
Joe G. : En tant que non-Américain, j’en suis encore à essayer de comprendre ce pays.

Pour finir, y a-t-il une question que vous aimeriez qu’on vous pose ?
Kevin : Non, mais merci de demander.
Pete : Où est la question 21 ?
Joe G. : Désirez-vous retirer cet argent en francs suisses ou bien en livres Sterling, monsieur?


Line up 
Pete Simonelli
Joe Goldring
Kevin Thomson
Doug Scharin

Label
Exile On Mainstream/Lancashire and Somerset

Tracklist
01/ Patton
02/ Cliff
03/ Career-Minded Individual
04/ Morandi : Natura Morta #86
05/ No, Not Gently
06/ The Reader
07/ Hard Love Seat
08/ Rue Girardon
09/ Visitacion Valley
10/ A Poem For Heroes