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dimanche 26 mai 2013

Album de la Semaine : Pagoda - Rebirth


Pagoda

Rebirth



Interview de Pagoda sur Nylon TV



Line Up :
Michael Pitt
Willie Paredes
Reece Carr
Christopher Hoffman

Label :
Kill Corporate Productions

Tracklist :
  1. Intro
  2. Native American
  3. Blood Crosses
  4. Drop D
  5. Sahara
  6. Zion
  7. Warzone
  8. Baptize
  9. Outro




dimanche 12 mai 2013

Album de la Semaine : A Place to Bury Strangers - Strange Moon


A Place to Bury Strangers


Strange Moon


Interview d'A Place to Bury Strangers, par Timothée Blit de Pulsomatic

Un vrai geek ! Oliver Ackermann, chanteur et guitariste d’A Place To Bury Strangers parle de ses instruments avec des étoiles dans les yeux. Le leader new-yorkais et bricoleur réputé évoque aussi les plaisirs du live, « un trip d’acide super puissant ».

Quel est l’objectif d’A Place To Bury Strangers ? Qu’est-ce que vous recherchez en montant sur scène ?
Ce que nous recherchons est un mélange de ce qui m’inspirait quand j’étais jeune et de nos expérimentations. Je pense que l’héritage est vraiment important : on n’a pas été imprégné par toutes les influences que tu acquiers en grandissant. En mon for intérieur, il y a une sorte d’idéal que nous cherchons à créer maintenant, nous voulons aller au-delà de ce qui nous excitait quand nous étions enfants et que nous mystifions toujours. Sur scène on crée ça en temps réel : on façonne des chansons pop, un chaos absolu. Que demander de plus ?

Sur Internet, vous êtes connus comme le « groupe le plus bruyant de New York ». Qu’est-ce que tu en penses ?
Je pense que c’est un sobriquet idiot, mais peu importe. On aime jouer fort. Souvent on est limité par les lieux où nous jouons et le son est pourri quand nous essayons d’aller trop loin. C’est juste l’énergie et le son, il n’y a rien de plus beau et effrayant que de perdre ses repères. Je veux écraser les sens du public avec notre musique. C’est comme un trip d’acide super puissant : tu ne peux pas parler, tu ne peux pas penser, tu dois seulement tenir le coup. Ça n’arrive pas à tous les concerts : les circonstances sont toujours différentes. Mais c’est le but.

La guitare est-elle l’instrument le plus important d’APBS ?
Je ne me vois pas vraiment comme un guitariste –notre bassiste, lui, est un putain de guitariste- mais le son de la guitare d’APTBS est avant tout esthétique. Je pense que ça pourrait être fait avec des claviers, mais mon manque de maîtrise de l’instrument fait que le naturel prend le dessus et crée quelque chose qui ne pourrait pas être fait intentionnellement. C’est comme de faire de la sérigraphie soi-même : il y a des imperfections qui donnent une touche particulière.

Tu chantes et joues de la guitare. Tu fabriques également des pédales d’effets à Death By Audio, ton entreprise à Brooklyn. Le groupe est-il un moyen de tester tes innovations ? 

Non, ce n’est pas  vraiment pour les tester, je créé des effets quand nous voulons jouer quelque chose que nous ne pourrions pas faire autrement. Je suis très intéressé par les textures et les paysages sonores et j’expérimente au maximum. Je passe mon temps à créer de nouveaux effets et certains ne sont pas adéquats pour nos chansons. Mais parfois je sens que le résultat pourrait intéresser d’autres musiciens, alors nous leur partageons nos idées.

Comment as-tu commencé à bricoler des guitares ?
J’ai modifié beaucoup de guitares en ajoutant des switchs de tonalité, différentes configurations de micros, etc. Puis je me suis tourné vers la construction de circuits actifs, d’effets fuzz et delay. J’ai même construit moi-même deux de mes guitares. Maintenant j’essaie de les rendre les plus simples et solides possible. Je pense que tu devrais en faire autant, démonte ta guitare si ça te chante : faire des erreurs, c’est important.

Comment as-tu enregistré le dernier solo d’I lived my life to stand in the shadow of your heart ? Y a-t-il plusieurs guitares enregistrées ?
Si mes souvenirs sont bons il y a deux guitares en même temps et une troisième a été ajoutée pour la partie la plus explosive. L’une a été enregistrée en stéréo avec différents micros d’ambiance pour créer des phases de delay et l’autre passe par différents filtres de ma fabrication. La guitare finale était branchée à un ampli de 1000 watts sur un haut-parleur de huit pouces collé à l’aimant pour ne pas qu’il pète pendant la prise. Mais je ne voulais pas en abuser, le but étant d’enregistrer un album le plus fidèle au live.

Quelle est l’importance de la technique et des instruments quand on veut jouer les chansons les plus bruyantes de la Côte est ?
On l’améliore tout le temps. Quand nous jouons chez nous, on peut prendre tout notre matériel et nous changeons souvent d’amplis et d’effets pendant le concert.

APTBS ne sonne comme aucun autre groupe de New York connu à l’étranger (The Strokes, TV On The Radio, Interpol…). Y a-t-il une scène rock  proche de votre son, inspirée par The Jesus and Mary Chain ou My Bloody Valentine ?
On est très influencé par The Jesus and Mary Chain et My Bloody Valentine. Depuis que je suis jeune, depuis que j’ai gratté une guitare pour la première fois, la musique est pour moi quelque chose de très intime. Quand la scène de New York m’inspire, c’est toujours de façon très personnelle.

Quand allez-vous jouer unplugged ?
Quand j’achèterai une guitare acoustique.


Line Up :
Oliver Ackermann
Dion Lunadon
Robi Gonzalez

Label :
Dead Oceans

Tracklist :
Don't Burn The Fires
The 99's
I'm Wise
Dead Moon Night
Graveyard
54 40
Don't Look Back



dimanche 5 mai 2013

Album de la Semaine : Savages - Silence Yourself

Savages

Silence Yourself



Interview de Savages, par Olivier Kalousdian de Sound of Violence

Café la Laverie, 20ème arrondissement. Une journée maussade comme seules Paris ou Londres savent les fabriquer. Jehnny Beth, artiste au nom délicieusement anglicisé pour une fille née chez nous, se fait attendre sur un air de Venus In Furs du Velvet Underground de bon augure. Personne ne s’en formalisera de la part de la chanteuse d’un groupe dont les textes et la conduite réfutent l’immédiateté et l’empressement au profit de la réflexion et de l’apprentissage. Celui qu’elle, la Jehn de John & Jehn, a su patiemment intégrer dans ses expériences musicales passées.

Quasi phénomène outre-Manche – et très bientôt dans de nombreux autres pays, à n’en pas douter – Savages est un girl band qui fait dans la performance arty punk-rock revenue à sa résurgence. Oubliés les groupes se revendiquant de, ou jouant à, Jehnny Beth, Gemma Thompson, Ayse Hassan et Fay Milton transpirent le rock, jouent comme des garçons et exultent sur scène comme leurs aînés de Suicide, Joy Division ou Bauhaus. Des groupes qui ont fait de la scène un lieu cathartique et de la vie une performance artistique. Rien n’est gratuit ou feint chez ces quatre filles là.

Rarement formation récente aura suscité autant d’attentes. Le premier album de Savages, Silence Yourself est désiré, guetté et prévu le 6 mai 2013. Comme l’apocalypse était crainte pour le 21 décembre 2012, il impactera violemment le monde de la musique ou passera à coté, mais en aucun cas ne laissera indifférent. Sur la planète rock, il y aura certainement un avant et un après Savages. 2013 sera leur année.

Si, en Angleterre, votre chronologie commence à être connue, en France, on appréhende un peu moins bien votre histoire. Peux-tu nous en dire plus sur la genèse de Savages ?

Comme tu le sais sûrement, je faisais partie du duo John & Jehn. Arrivé un moment, nous avons ressenti le besoin de créer notre propre label, Pop Noire. Ensuite, John a beaucoup bossé sur le projet Lescop. À la fin de deux années de tournée avec John & Jehn, notre guitariste Gemma Thompson m’a fait part de son envie de monter un nouveau projet avec son amie Ayse Hassan, bassiste. Au départ, elle aurait voulu que John joue également dans ce nouveau projet, mais il était beaucoup trop occupé avec Lescop. Ainsi, comme j’écris beaucoup, je me suis proposée comme auteur et chanteuse et j’ai lancé l’idée d’un groupe de filles. Gemma a trouvé le nom de Savages qui m’a tout de suite emballé et nous avons recherché une batteuse, recrutée par le bouche à oreille, entre amis. Tout cela s’est un peu fait par hasard, en fait.

Je me suis dit que nous pouvions aller un peu plus droit au but, que ce soit dans les textes ou dans la musique.

Et pour la ligne directrice du groupe, quel a été le déclencheur ?

Le nom, Savages. Je ne saurais pas trop l’expliquer, mais il résonnait parfaitement avec ce que j’écrivais de mon côté. L’idée de réveiller une certaine sauvagerie chez les gens, et chez nous également, et faire en sorte que notre musique soit la plus directe possible. À cette époque, nous étions fatiguée de la scène londonienne et de tous ces groupes qui regardaient leurs pieds en jouant du rock. Je me suis dit que nous pouvions aller un peu plus droit au but, que ce soit dans les textes ou dans la musique. Savages, c’est un instinct de survie dans le rock de l’époque.

Malgré vos jeunes ages, vous revendiquez un héritage punk et post-punk...

Moi, je ne revendique rien ! J’écoute tout un tas de musiques différentes. Évidemment, le post-punk a une forte importance dans mes goûts musicaux, mais j’écoute aussi beaucoup de jazz, de musique classique... Je pense qu’il y a de bonnes choses à prendre un peu de partout.

Sur scène et dans l’énergie proposée, vous affichez une certaine sauvagerie que possédait cette musique...

Oui, sur ces points-là, nous utilisons sûrement les mêmes codes et les mêmes cheminements. C’est vrai que la théâtralité de ce mouvement nous plait. Mais, l’idée de n’avoir que des lumières blanches sur scène vient également du hardcore. Le rapport au corps, les influences dadaïstes ou l’idée de ce que tu fais sur scène doivent être un reflet de ce qui se passe dans la rue. Tout cela, dont Gemma est la porte parole dans le groupe, est évidemment en lien avec le post-punk. Un groupe me vient à l’esprit tout de suite, c’est Suicide. Ceci dit, les quatre membres de Savages viennent de scènes très différentes. Fay, la batteuse, vient plutôt d’une scène dance, dans le sens groove. Elle a eu une formation très classique à la base. Notre bassiste, Ayse a des influences très punk...

Cette influence de la rue que vous voulez ramener sur scène fait plutôt défaut dans le rock aujourd’hui. Vous faites revivre le rock engagé et politisé, dans le sens d’Aristote de la fin 70's début 80's ?

Nous ne sommes pas politisées, mais effectivement, tout ce que nous faisons toutes et tous est politique, de toute façon. Chaque respiration sur scène, chaque mouvement sont des références à ce que nous sommes réellement dans une société et dans un milieu. Si l’on essaie d’échapper à cela, on fait de l’art pour de l’art. Ce qui ne m’intéresse pas vraiment. Mon but en général et dans Savages en particulier, c’est de trouver de meilleures façons de vivre et de meilleures expériences de la musique. Comment les deux peuvent interagir et comment les deux sont interconnectés, toujours. C’est la raison pour laquelle l’intro de l’album est un extrait du film de John Cassavetes, Opening Night. Il était un des maîtres à penser du lien entre l’art et la vie ! C’est aussi pour cela que pas mal de mes textes traitent de parcours de la vie du groupe. Shut Up, par exemple, parle d’une période de la vie de Savages où après six mois d’existence, nous avons du faire face à de nombreuses pressions, à tel point que nous avons du virer des gens qui travaillaient pour nous. Savages a rapidement créé une attention dans le monde de la musique et il nous a fallu dire non et se séparer de ceux qui ne voyaient pas notre approche artistique de la même façon que nous. C’est un défaut qui est générationnel. Il faut réapprendre à dire non ! Vu que tout se casse la gueule, on a eu tendance, ces années passées, à dire oui à tout avec la peur de ne pas revendiquer ce que l’on est et d’assumer ce que l’on a envie de faire. Peut-être se sont ils dit que nous étant jeunes et eux étant plus vieux... mais puisqu’ils ont tout fait foirer dans leurs époques, ils ne savent pas mieux que nous au final !

Ce que propose le monde de la musique depuis des années aux groupes qui éclosent, c’est du baby sitting !

Ce que tu viens de dire, tu aurais très bien pu le dire dans un autre groupe en 1977 ! Que ce soit les Slits ou les Sex Pistols, ils avaient comme idée de base que les générations précédentes n’avaient rien compris à la jeunesse. A nouveau, Savages ouvre la porte à ces revendications là ?

Absolument. Ce que propose le monde de la musique depuis des années aux groupes qui éclosent, c’est du baby sitting ! C’est triste à dire, mais l’essentiel est perdu. Peut-être par peur de ne pas y arriver...

Silence Yourself est le premier album des Savages. Quelle est la bonne traduction, peut-être pas totalement littérale, de ce titre ?

Si tu as vu l’artwork du disque (ndlr : une photo des quatre filles en noir et blanc avec un texte accolé) il y a un texte explicatif ou une sorte de sous-titre sur la pochette. C’est vrai que, traduit en Français, « Silence Yourself » ne donne peut-être pas la bonne définition. Ce serait entre le « Tais-toi » et « Reste Silencieux » !

N'y aurait-il pas un autre sens qui serait : Parce que vous avez été trop silencieux par le passé, ouvrez là ?

Oui... Dans le texte accolé sur l’artwork nous développons l’idée que ce monde est devenu trop bruyant et que ces bruits sont là pour nous distraire et nous empêchent de nous concentrer sur nous-mêmes. Et en plus, ils ne nous apprennent absolument rien sur nous-mêmes. Savages a été le moyen pour moi de combattre cette éternelle distraction pour revenir à l’essentiel. Y compris au niveau de l’écriture de mes textes que je voulais réduire au moins de mots possibles. Pendant l’une des premières répétitions que nous avons faites avec Gemma, nous nous sommes posées la question de comment jouer la guitare, elle qui avait beaucoup travailler seule, avant. Et nous en sommes arrivées à la conclusion qu’il fallait que chaque membre laisse de la place à l’autre. Une guitariste qui répète dans son coin a tendance à prendre toute la place. Alors que, quand le chant arrive, il faut que l’une et l’autre se répondent et échangent au même niveau. Si tu prends Led Zeppelin, par exemple, il y a un riff de guitare larmoyant de Jimmy Page et la réponse immédiate et équivalente de Robert Plant au chant. C’est ce que nous avons recherché : comment elle, quand je prenais le chant, pouvait se retirer. Rester silencieux est presque aussi important que de parler. Il faut savoir se taire pour pouvoir parler et pour rester immobile il faut savoir bouger.

Quand tu dis cela et quand on écoute votre album, on imagine que vous pensez également à cette génération Internet, ultra communicante qui, abreuvée d’images et de sons pense tout savoir, mais finalement, ne sait pas grand chose ?

Totalement ! C’est amusant parce que j’ai rencontré, il y a trois jours, ce grand photographe de rock qu’est Kevin Cummins. Je discutais avec lui de l’image et de la communication et il me racontait qu’à son époque, avoir accès aux backstages d’un groupe avant concert pour un photographe, même renommé, c’était une position très privilégiée. Les groupes n’étaient pas fans de cela. Et il me disait qu’aujourd’hui, les groupes postaient eux-mêmes leurs photos prises de leurs backstages ! Consternant. Avec Savages, nous avons toujours contrôlé ce que nous donnons, de même que notre présence sur scène. À une époque où tout le monde pense que tout est pressé, nous pensons qu’il faut laisser le temps que l’histoire se crée.

Laisse-moi faire l’avocat du diable : Vous avez déjà joué au Reading Festival ou au SXSW à Austin, vous êtes en partance pour Coachella... Tout ne va pas un peu vite pour vous ?

Tu sais, ça fait déjà un moment que je fais ce métier-là et je n’ai pas l’impression d’aller plus vite que la musique. Et je te dirais que nous n’avons jamais fait un concert de Savages vide ! Mais tu as raison, le paradoxe est là entre la présence importante du groupe et le contrôle de son histoire. C’est d’ailleurs ma grosse terreur à la veille de la sortie de l’album ! Et c’est aussi pourquoi je reste chez Pop Noire, avec Matador en licence. Et pour revenir à ce que je te disais plus tôt, c’est aussi pour cela que j’ai viré mon premier management qui voulait que je signe tout de suite sur des labels importants. En maîtrisant tout cela, je peux continuer à jouir de ma liberté et, par exemple, à continuer à travailler avec John d’un autre coté.

Si votre album rencontre un grand succès, pourrais-tu en être déstabilisée ?

Non, je ne pense pas. J’aimerais que ça marche ! Ma réalité n’est juste pas celle des autres.

En parlant des labels, vous êtes des artistes Pop Noire, mais Matador joue également un rôle important dans cette sortie. Comment se passe cette double collaboration ?

Pop Noire est plus impliqué sur le coté artistique. Antoine Carlier, qui est un artiste graphiste Pop Noire, est à l’origine de l’artwork. Pop Noire nous permet de développer notre créativité, de garder notre liberté et de sauvegarder le côté humain de notre projet. Matador est un pôle mondial de diffusion et ce sont des gens bien qui respectent tout cela.

Nous avons attisé notre motivation de nombreuses façons pour que nos performances soient toujours au même niveau.

Comment retranscrire en studio toute cette énergie et cette vie que vous insufflez à vos concerts ?

Avec pas mal d’astuces... John nous projetait des films ou faisait des accrochages, de guitares par exemple – ce qui a donné le titreDead Nature sur l’album. Il faut savoir qu’en studio, à cause de la technique notamment, il y a beaucoup de moments d’attentes, comme dans un film. Et comme nous sommes allées tous les jours en studio pendant trois semaines, le but était de rester éveillées, de ne jamais s’endormir sur un canapé. Nous avons attisé notre motivation de nombreuses façons pour que nos performances soient toujours au même niveau. Avant chaque concert, nous avons la même discipline. Nous nous échauffons avant pendant une heure au moins avec tout un rituel très important pour couper toute influence du monde extérieur. Que l’esprit soit vidé et libre. C’est pour cela que, par exemple, un festival comme SXSW est très frustrant pour nous. C’est une machine à concert qui ne te laisse pas ce temps-là. Si j’avais su que c’était à ce point là, je t’assure que je n’y serais pas allée ! C’est du business pur et dur. Je n’y mettrais plus les pieds, je pense.

L’occasion est trop belle pour les journalistes depuis deux ans de vous comparer à des groupes puissants comme Magazine ou Joy Division. Cela étant dit, cette période du rock a-t-elle vraiment bercé votre jeunesse ?

Oui, bien sûr, j’ai écouté ces deux groupes et Joy Division ont été très important dans ma vie. Mais, je voudrais également citer un groupe comme Swans ou Cass McCombs, dont j’adore l’écriture, jusqu'à des groupes comme Suicidal Tendencies ou même Tom Petty. Je pioche dans plein de milieux différents, en fait.

Cet album a été produit par Johnny Hostile et Rodaidh McDonald. Quel ont été leurs apports et rôles respectifs ?

John était du côté de l’artistique. Étant artiste lui-même, il était là pour trouver le bon son. Il avait déjà enregistré notre EP live. Rodaidh, lui, était plutôt là pour nous structurer. Par exemple, il faisait en sorte que nous ne passions pas plus d’une demie journée sur un même titre. Nous étions constamment en roulement pour ne pas perdre de fraîcheur. Leurs rôles étaient donc bien différents.

Tu officies également dans un side project nommé HTB ?

HTB c’est l’acronyme de Hostile, Thompson et Beth. C’est un projet musical sans aucune contrainte. L’idée étant d’expérimenter sur l’improvisation dans des sessions HTB qui sont exclusivement live. Ce projet me permet de tenter et de piocher dans des choses que je ferais peut-être pas autrement. Idem pour Gemma ou Johnny, ils ont l’occasion de tenter et d’essayer des sons qu’ils ne pourraient pas expérimenter ailleurs. À la base, c’était un pur terrain d’expérimentation, mais on a finalement enregistré un deux titres sur un vinyle dix pouces très bien travaillé par Antoine Carlier, sur Pop Noire. Nous n’avons fait qu’un seul concert pour l’instant car cela reste un projet très personnel, quasi industriel, mais peut-être que cela se développera, dans le futur.

Finalement, est ce que l’entité H.B ne nourrit pas l’entité Savages, et inversement ?

Complètement. C’est une bonne chose que de travailler avec son producteur sur un tel projet car ça permet une meilleure compréhension de ce que l’on fait avec Savages.

C’est un projet très riche et très excitant qui n’est pas sans rappeler les laisser aller de Sonic Youth sur scène...

Certainement. Rien n’est écrit et c’est de l'improvisation quasi totale ! Je dirais même que c’est dangereux de s’embarquer là-dedans parce qu’une fois que tu as goûté à cette liberté, tu ne voudrais plus faire que cela ! Ce n’est peut-être pas très généreux au niveau de l’écoute, mais au niveau de la création, il n’y a rien de plus enrichissant. Nous avons même utilisé un titre de HTB qui s’appelle Brid pour une des vidéos de Savages qui se passe à New York.

Vous êtes invitées au vingtième anniversaire du Meltdown Festival, l’événement musical initié par Yoko Ono, le 20 juin prochain à Londres. Avec des piliers du rock comme Iggy Pop, Marianne Faithfull, Siouxsie. C’est une belle marque de reconnaissance ?

Un peu trop de vieux à mon goût, mais nous sommes très fières quand même ! (rires) À vrai dire, je ne sais pas trop encore de quoi il en retourne. Je crois que c’est un événement subventionné par l’état anglais qui a lieu tous les ans. C’est un peu l’événement culturel anglais avec un grand C. C’est pour cela que l’affiche est si prestigieuse. Maintenant, attendons de voir ce que cela va donner... J’ai un peu l’impression que je ne vais pas être à ma place. Évidemment, tous ces gens sont des gens importants pour nous et dans le monde de la musique.

Si les vieux reviennent, c’est peut-être parce que les jeunes n’arrivent pas à prendre leur place !

En parlant des piliers du rock, que penses-tu de toutes ces reformations de groupes des années 70/80 ? Et est ce que tu crois que cela revient à ce que nous disions précédemment, la nécessité de revenir à un rock plus engagé ?

A défaut d’autres chose, oui. Si les vieux reviennent, c’est peut-être parce que les jeunes n’arrivent pas à prendre leur place !

Pour revenir à tes textes, tu dis qu’il faut désapprendre la manipulation positive de l’ère de l’ultra-communication. Tu crois que le rock peut nous aider à y voir plus clair ?

Très peu de choses sont faites pour l’éveil. Tout est influencé par l’argent. La manipulation, que l’on pourrait appeler positive, est là depuis notre naissance, d’une certaine manière. On doit être manipulés pour apprendre à écrire, parler, marcher... et ce n’est pas un problème en soi. Cela devient un problème avec les nouveaux manipulateurs comme la télévision, par exemple, qui est là pour vendre quelque chose. C’est une manipulation que j’appelle négative. Ce qui est intéressant avec la musique et les mots c’est qu’ils forment une manipulation que j’espère positive. Une manipulation qui conduit à un éveil, une conscience de soi, de son corps, de sa sexualité et de comment nourrir tout ça. Et si en plus on peut faire tout cela avec du fun...

Sur scène, vous avez quelque chose de rugueux, presque abrupt, et pourtant, vous incarnez comme personne, la condition féminine et son émancipation. Tu as été éduquée dans cette conscience sociale et philosophique ?

Je ne suis pas du tout quelqu’un de féministe. Je n’ai pas été élevée là-dedans et je n’ai pas cette culture là. Ce n’est pas un jugement en soi, ce n’est juste pas ma culture. Même à titre personnel, dans ma vie intime, l’émancipation s’est faite pour moi à travers mon couple, à l’époque de John & Jehn. Celle-ci étant passée par les hommes, je n’ai aucun problèmes avec eux. Par contre, étant un groupe de quatre filles, il nous est facile de tordre des préjugés et j’aime jouer avec cette symbolique féminine.Hit Me ou She Will démontrent cette vision de femmes à la fois fortes et tranquilles, relaxées, sereines avec leurs plaisirs. Aujourd’hui, assumer ces positions est la nouvelle forme de radicalisation. Les derniers événements en France ne me démentent pas.

Quelles sont les formations qui t’ont vraiment impressionnées ces derniers temps ?

Swans que j’ai vus sur scène pour deux heures de bruits intenses et de sensations impressionnantes, notamment avec leur nouveau percussionniste. Et dans les plus récents, Micachu que je connais car elle est venue passer un moment en tournée avec nous. Ce sont souvent des gens qui me touchent car ils ont des démarches similaires à Savages, au-delà même d’un jugement sur leurs musiques.


Line Up :
Jehnny Beth
Gemma Thompson
Ayse Hassan
Fay Milton

Label :
Matador Records

Tracklist :
01 Shut Up 
02 I Am Here 
03 City's Full 
04 Strife 
05 Waiting for a Sign 
06 Dead Nature 
07 She Will 
08 No Face 
09 Hit Me 
10 Husbands 
11 Marshal Dear